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Mardi 4 avril 2023 - Messe chrismale

Cathédrale Saint-Etienne de Châlons

Messe chrismale
4 avril 2023 - Cathédrale

Chers amis, 
Chers frères et sœurs,

La Messe Chrismale est l’événement diocésain par excellence. L’Église tout entière est rendue visible par notre assemblée. Nous sommes le Peuple de Dieu, rassemblé dans la diversité de ses membres, de ses vocations, de ses états de vie. L’Église est le Corps du Christ. Jésus en est la Tête. Nous ne sommes pas une association, une ONG, une multinationale, mais le peuple saint de Dieu, le peuple des sauvés. Nous avons mis notre foi en Jésus-Christ, Fils de Dieu Sauveur. Nous sommes les héritiers de la promesse divine, récipiendaires des grâces du mystère pascal, et témoins envoyés dans le monde pour annoncer la victoire de la Vie. Nous voici aujourd’hui, et toute cette Semaine Sainte, au cœur de la foi. Une cinquantaine d’entre nous ont pu vivre dernièrement un rassemblement « kerygma » regroupant 100 fidèles de Reims et de Châlons. Les évêques de France ont initié, en effet, cette démarche pour que nous comprenions mieux que la première annonce de l’Évangile est l’affaire de tous, et pas seulement celle des « dames KT », mamans ou grand-mères catéchistes auprès des enfants. Dire le kérygme, c’est proclamer le nom de Jésus qui veut dire « Dieu sauve », c’est dire avec foi et avec force que Dieu nous a sauvés du péché et de la mort, et qu’il est le rocher sur lequel nous pouvons construire notre vie et devenir ainsi des « prophètes de l’espérance ». « Je suis l’Alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, Celui qui est, qui était et qui vient, le souverain de l’univers ». 

Il y a 10 ans, le Cardinal Bergoglio était élu évêque de Rome. Il y a 10 ans, le même Pape François nous donnait cette magnifique et riche exhortation apostolique « La joie de l’Évangile » qui faisait suite au synode des évêques sur la nouvelle évangélisation, convoqué par Benoit XVI. Nous en avons retenu l’appel à être une « Église en sortie », à « aller aux périphéries de l’Église et de la société », à ne pas avoir « une tête de Carême sans Pâques », etc… Je souhaite ce soir revenir sur un thème central de cette exhortation qui est celui de la « conversion pastorale et missionnaire ». Ce thème sous-tend le projet missionnaire du diocèse que j’ai publié en octobre 2020. Écoutons le Pape : « J’espère que toutes les communautés feront en sorte de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour avancer sur le chemin d’une conversion pastorale et missionnaire, qui ne peut laisser les choses comme elles sont. Ce n’est pas d’une « simple administration » dont nous avons besoin. Constituons-nous dans toutes les régions de la terre en un « état permanent de mission » (§25). Et aussi au §27 : « J’imagine un choix missionnaire capable de transformer toute chose, afin que les habitudes, les styles, les horaires, le langage et toute structure ecclésiale devienne un canal adéquat pour l’évangélisation du monde actuel, plus que pour l’auto-préservation. La réforme des structures, qui exige la conversion pastorale, ne peut se comprendre qu’en ce sens : faire en sorte qu’elles deviennent toutes plus missionnaires, que la pastorale ordinaire en toutes ses instances soit plus expansive et ouverte, qu’elle mette les agents pastoraux en constante attitude de “sortie” et favorise ainsi la réponse positive de tous ceux auxquels Jésus offre son amitié. »

Alors, je me tourne vers la communauté des fidèles dont j’ai la charge : Église de Châlons, où en es-tu ? Église de Châlons, qu’as-tu accepté de changer ? Église de Châlons, es-tu « en attitude de sortie » ou restes-tu cantonnée dans l’entre-soi et l’auto-préservation ?

Ma mission consiste à reprendre devant vous et avec vous quelques points du projet missionnaire diocésain. Cela rafraichira la mémoire de ceux qui l’ont déjà oublié ou mis de côté, et fera du bien à ceux qui l’ont ignoré ou rejeté.

1/ Tout commence par la conversion spirituelle. Si chacun des baptisés ne change pas son cœur, l’Église n’avancera pas, et elle continuera de décliner. Si nous ne nous convertissons pas au nom de Jésus, si nous ne choisissons pas Jésus plutôt que nous-même, nous contribuerons à la sclérose de nos communautés et à leur stérilité. Alors, je t’interroge : toi, baptisé, qu’as-tu accepté de changer ? Es-tu resté campé sur tes certitudes ? Et pourquoi ? N’as-tu pas rencontré Jésus ? Là est la clé, comme le Pape nous l’exprime dans la première phrase : « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. » (§1). Frères et sœurs, je vous invite à la conversion. Le Carême a dû servir à cela normalement ! Il n’est jamais trop tard. Nous devons accepter de quitter nos chasses gardées. Nous devons cesser de nous opposer sur des questions de pouvoir ou d’horaires de messe, et enraciner notre vie dans la rencontre du Christ par sa parole lue et méditée chaque jour, et par son Eucharistie reçue en nourriture au moins chaque Dimanche, et encore par la rencontre des plus pauvres. L’activisme ne sert à rien et ne produit rien. L’idéologie fait avorter le rayonnement évangélique. Je le redis : nous ne travaillons pas à notre compte. Seul le nom de Jésus touchera les cœurs. Seul le souffle vivifiant du Saint-Esprit « renouvellera la face de la terre ». C’est l’objet de notre conversion spirituelle : nous effacer et laisser la place à Dieu lui-même. Abandonner notre présomption et nous en remettre à la grâce divine.

2/ La conversion spirituelle de chacun ouvre la voie à la conversion pastorale et missionnaire. La nouvelle évangélisation promue par le Magistère de l’Église depuis le concile Vatican II n’est pas un relan de prosélytisme. Il s’agit d’une nécessité qui s’impose à nous comme elle s’imposa à l’apôtre Paul : « malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ». Oui, le prophète Isaïe nous le dit d’ailleurs, et c’est le texte que Jésus proclame dans la synagogue : « L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, ». Fini le temps où les gens venaient à nous, sonnaient à la porte du presbytère, se confessaient régulièrement, remplissaient les églises. Nous ne sommes plus en chrétienté. Il faut accepter ce fait. Nos frères et sœurs d’Afrique le découvrent de façon vertigineuse en arrivant ici. Se convertir pastoralement, c’est ne pas se contenter de « faire tourner la boutique », mais aller en mission, sortir, rencontrer les gens, s’intéresser à leur vie, partager leurs épreuves, contribuer à la vie sociale et à l’entraide. Il s’agit d’annoncer le même Évangile avec des moyens nouveaux. Alors, je t’interroge, toi qui es baptisé et qui porte le nom de chrétien : qu’as-tu changé dans ta vie pour devenir plus missionnaire ? Es-tu enfermé dans tes vieilles habitudes ? Ou as-tu découvert la joie d’aller avec d’autres annoncer l’Évangile ? Plusieurs d’entre vous se sont engagés début janvier comme « volontaires pour la Mission ». Eh bien, vous tous, nous vous attendons. Venez nous rejoindre. Ce n’est pas « le truc de l’évêque », c’est la mission que Jésus nous confie. Chacun est invité à se porter volontaire pour participer à des temps missionnaires articulés sur les 5 essentiels. Oui, j’appelle les prêtres à savoir quitter leurs paroisses pour vivre pendant quelques jours une semaine missionnaire avec une équipe dans une autre paroisse. J’appelle les diacres à se lancer dans l’aventure, eux les serviteurs du seuil et du parvis. J’appelle tous les baptisés, et spécialement les confirmés, à oser partir à plusieurs pour proclamer le kérygme, se lancer dans une action de solidarité, chanter et louer le Seigneur. 

3/ Une des modalités de cette conversion missionnaire sera notre conversion fraternelle et synodale. Récemment lors d’une visite pastorale très enthousiasmante, j’entendis des personnes dire qu’elles ne se connaissaient pas toutes au sein de la paroisse. Du coup, tout le monde est resté tout l’après-midi, le cercle de quelques chaises n’a cessé de s’agrandir, les générations étaient là ensemble et s’écoutaient, se découvraient. Qu’il est bon de quitter son île déserte, son domaine, sa spécialité, son clocher, et de découvrir que l’Église est autrement plus belle et vivante. Je suis heureux d’entendre aussi en certains lieux la joie de ceux qui se regroupent en petites fraternités. Ce ne sont pas des équipes pour faire quelque chose mais pour être chrétiens ensemble. C’est, me semble-t-il, un des moyens de persévérer dans l’espérance alors que notre société éclate en mille morceaux et que l’Église ne peut plus assurer la couverture territoriale. Les petites fraternités locales seront les lieux de vie d’Église dans les années qui viennent. A vous de vous lancer : vivez ensemble les 5 essentiels régulièrement chez l’un chez l’autre. Vous pourrez vous aider mutuellement à vivre la conversion spirituelle, la conversion pastorale et missionnaire, la conversion fraternelle et synodale. C’est le baptême qui nous rassemble. Vous, les prêtres, comme les diacres d’une autre façon, je vous invite, vous le savez, à vivre en fraternités. Les équipes de prêtres trouvent progressivement leur rythme, leur façon de vivre. Vraiment, j’insiste. Priez ensemble, partagez la même table, allez vous promener ou vous distraire ensemble. Cela ne fera que consolider vos efforts pastoraux communs. Pas de petit chef, mais des frères. Rayonnement assuré. Joie de l’Évangile.

Je termine avec le point d’enracinement de cette grande conversion pastorale et missionnaire : l’Eucharistie. Comme ce soir, nous construisons le Corps du Christ en prenant part au même Pain de Vie, l’Église prend corps dans l’assemblée du Dimanche qui célèbre le mystère de la mort et de la résurrection de Jésus. Cela doit rester notre point de repère. La messe du Dimanche, non comme une obligation mais comme une nécessité vitale. C’est encore un élément de cette conversion : la conversion eucharistique. Je me souviens encore de saint Jean-Paul II aux jeunes lors des JMJ de l’an 2000 : « mettez l’eucharistie au cœur de votre vie personnelle et communautaire. Vous mettrez le feu au monde ! ». 

Amen